LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

 Lettre de liaison N° 267 - 2 février 2017  [Version pdf] 

Le plan de « rénovation des carrières » PPCR dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche :

Un plan pour baisser les  salaires, dévaloriser les  carrières et attaquer les statuts !

 

La responsabilité des directions syndicales est:

d’exiger le retrait de ce plan

de refuser de le cautionner en acceptant de le négocie

de boycotter le Comité Technique Paritaire convoqué pour le faire adopter

 

Le 12 janvier le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a rendu public son plan dit de « revalorisation des salaires » dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR). A l’appui, il annonçait que  52 millions d’euros avaient été déjà budgétés en 2017 pour les 105 000 agents (le reste étant après les élections ….) ce qui correspond à 4,21 €/mois en moyenne par agent ! Le président de la CPU (Conférence des Présidents d’Université) a réagi en disant : « la crainte est que le coût de ces décisions ne soient pas pris en compte dans les dotations aux établissements ! ». Ce n’est pas une crainte mais une certitude !

Ce plan est l’application dans l’ESR  de PPCR (Parcours Professionnels Carrières et Rémunérations) qui vise à faciliter les mobilités inter et intra fonction publique, à travers la fusion des corps, et à individualiser les primes selon les fonctions et la performance (RIFSEEP). Les mutualisations, la décentralisation, vise à faire des économies à grande échelle. Pour cela il faut attaquer les statuts.

 Le gouvernement veut aller vite et  faire adopter son plan au Comité Technique Paritaire du MESR du 20 février pour que tous les décrets sortent avant les élections! Les textes finaux ne seront diffusés que quelques jours avant. D’ici là, il négocie son plan avec les directions syndicales de l’ESR.

Comment faire passer des baisses de salaires dans un plan dit de « revalorisation »

Au-delà des effets d’annonce, l’analyse détaillée de ce plan démontre que ce qui est programmé, n’est pas une revalorisation mais la baisse des rémunérations.

L’une des mesures phares est la conversion d’une part des primes en 9 points d’indice ce qui permet d’afficher des grilles avec des hausses d’au moins 9 points pour tous les échelons de tous les corps. Positif nous dit-on car cela rentre dans le calcul des retraites : une augmentation qui ne dépassera pas 75% de ces 9 points (soit +31,6€ brut /mois !) pour ceux, de plus en plus rares, qui partent à la retraite avec un taux plein, et ce tant que les pensions seront calculées sur les 6 derniers mois… . Mais l’effet sera des réductions significatives de la GIPA (Indemnités de Garantie de Pouvoirs d’Achat) que reçoivent des milliers d’agents bloqués au dernier échelon de leur grade. La majorité d’entre eux y resteront mais avec un indice rehaussé de 9 points. C’est le cas des  Chargés de Recherche, des Maîtres de Conférences et des Ingénieurs de Recherche, en fin de « classe normale » qui tous perdront près de 2000€ sur 5 ans!

L’augmentation indiciaire -corrigée de ces 9 points- est nulle pour les échelons supérieurs à 821 et pour les autres - hormis quelques exceptions- environ  10 pts (étalée en 3 ans !). Cependant la progression dans les grilles est ralentie et les gains moyennés varient de 1 à 2 %! Les Assistants Ingénieurs auraient en apparence un gain un peu supérieur mais raboté par la perte des échelons accélérés en vertu de l’application de PPCR.

Depuis 2010, Les salaires baissent, la retenue pour pension civile a augmenté de 7.5% à 9.94% et atteindra 11.1% en 2020. Avec une hausse du point d’indice a minima (0.6% en juillet 2016 et en février 2017), les salaires vont diminuer de 2.4%. A quoi il faut ajouter la perte du pouvoir d’achat provoqué par la hausse du coût de la vie.

Tout compte fait, ce plan  dit de « revalorisation » se  soldera par une baisse de salaire sur la fiche de paie de la grande majorité des personnels.

Comment, dans ces conditions, accepter de qualifier ce plan de « revalorisation », de s’en féliciter comme les font les dirigeants des syndicats de la FSU (SNCS, SNESUP et SNASUB) défendant l’accord PPCR qu’ils ont signé ? Alors qu’ils ont refusé -à juste titre- de signer l’accord PPCR, les dirigeants de la CGT acceptent eux aussi le cadre de ces négociations sur son application dans l’ESR et parlent de « mesures insuffisantes ».

Pour compenser les maigres augmentations indiciaires à afficher, le gouvernement met en avant les passages d’un corps à l’autre qui seraient facilités (exemple Assistant Ingénieur vers Ingénieur d’Etude), la mise en place de hors classe (chargés de recherche et ingénieurs d’étude) qui devraient permettre de débloquer les carrières … . Bref demain on rase gratis ! Aucune mesure budgétaire n’est prévue et le fait que tout agent aurait droit à une carrière sur deux grades n’est pas une obligation de PPCR mais seulement une préconisation. Toutes ces promesses n’engagent donc en rien ce gouvernement car tout cela devrait être mis en pratique après les élections. Il n’empêche, les tracts syndicaux prennent pour argent comptant ces balivernes tout en recommandant  tout de même d’être vigilants et de se tenir prêt à se battre pour qu’elles se traduisent dans la réalité ! En clair ils savent bien à quoi s’en tenir mais pour autant ils ne se décident pas à rompre ces négociations avec le gouvernement!

Mais ces pseudo-revalorisations servent aussi à masquer l’essentiel de PPCR : son volet statutaire.

Un plan qui s’inscrit dans la lignée des attaques contre l’ESR et ses personnels 

Aujourd’hui dans l’ESR, les établissements sont dans la tourmente des fusions,  de nouveaux  regroupements au sein des COMUEs, dans lesquelles les organismes publics de recherche sont  impliqués. Ces restructurations  passent par des mutualisations, des réorganisations de services à grande échelle.  Dans les universités, le personnel (et les étudiants) le paie au prix fort : stress, surcharge de travail, augmentation des horaires de travail, désorganisation des services, mutualisations, réduction des effectifs, précarité. PPCR est clairement un instrument de cette politique. Le 30 septembre 2015, Valls déclarait « Cet accord est indispensable pour améliorer la mobilité des fonctionnaires pour passer d’un ministère à l’autre, d’une administration à l’autre ».

En signant et soutenant ce protocole, les directions syndicales ont entériné son volet statutaire qui acte notamment le principe de la généralisation des primes selon les fonctions exercées et selon la performance de l’agent ! Or, c’est exactement ce type de prime que le gouvernement est en train de mettre en place, dans chaque ministère avec le RIFSEEP. Celui-ci doit notamment s’appliquer aux Ingénieurs et Techniciens (IT et ITFR) et personnels des Bibliothèques Universitaires dès cette année, sans qu’aucun  combat ne soit engagé.

Restructuration des carrières pour les chercheurs …

Au CNRS, le plan en préparation contient deux changements majeurs concernant les chargés de recherche (CR) : la suppression de la 2èmeclasse (CR2) et le remplacement de la 1èmeclasse(CR1) par une classe « normale » (CRN) ainsi que la création d’une hors classe (HCR). Ces nouvelles grilles impliquent  de modifier les décrets de 1983 et  d'autres modifications du statut risquent d'intervenir dans la foulée, forcément dans la logique de PPCR.

L’alignement des carrières des chargés de recherche sur celles des Maîtres de Conférence est lourd de sens. En effet le processus de démembrement du CNRS via son éclatement dans les différentes COMUEs n‘en est qu’à ses débuts mais il est clairement inscrit dans leur développement. Partout, la pression des directions des COMUEs pour contrôler l’activité, les financements, les recrutements …  des personnels du CNRS se fait de plus en plus forte.

qui vouent les jeunes chercheurs à la précarité

Le gouvernement, appuyé par les analyses officielles des syndicats, prétend que la fusion des CR2 et CR1 dans la CRN revalorise les débuts de carrière des jeunes chercheurs. Il n’en n’est rien. Il faut pouvoir valider au moins 6 années de post docs (BAC+14 !) au moment du recrutement pour que les nouvelles carrières deviennent avantageuses! Pour un recrutement juste après la thèse c’est l’inverse! Avec ces nouvelles carrières,  le gouvernement fait clairement une croix sur le recrutement jeune.

L’âge du recrutement des  chercheurs ne cesse de reculer (moyenne actuelle : 32 ans pour les CR2 -soit après 5 ou 6 années de post-docs- et 37 ans pour les CR1). Le statut de chercheurs évolue progressivement vers un système à l’allemande où la titularisation tend à être réservée à une élite qui manage et finance sur contrat son équipe. C’est le produit de la politique d’appel à projet, lancée en 2005 avec la création de l’ANR- alors que Fillon était ministre de l’ESR !- puis des ERC (European Research Council), … ,qui a été amplifiée durant le quinquennat de Hollande et qui en 10 ans a fait exploser la précarité.

La suppression de la classe de CR2, dernier frein au vieillissement du recrutement, et la création d’une Hors Classe -à laquelle serait réservés 15 % des recrutements afin d’attirer les « meilleurs scientifiques étrangers »- fermeraient définitivement la porte au rajeunissement des recrutements et pénaliseraient d’autant plus les jeunes femmes. Cette restructuration s’inscrit dans la remise en cause rampante du statut de fonctionnaire, conquis en 1983 dans les organismes publics de recherche.

Une classe exceptionnelle pour les Maîtres de Conférences

Pour les Enseignants-Chercheurs, le plan de rénovation de la carrière se résume à la mise en place d’une classe exceptionnelle (à l’indice HEB) contingentée à 10 % des effectifs du corps, dont les conditions d’accès devraient cibler les Enseignants-chercheurs particulièrement investis dans l’enseignement. L’avancement se fera au choix avec le CNU et les établissements (conseils académiques) qui proposeront chacun la moitié des promotions. Il s’agit d’inciter les enseignants-chercheurs à investir de plus en plus de temps dans l’enseignement – bien au-delà des 192 heures réglementaires-, poursuivant le même objectif que le décret Pécresse de modulation des services à savoir des EC qui enseignent à temps complet pour faire des économies budgétaires. La classe exceptionnelle c’est la carotte et le bâton c’est le « suivi des carrières » que le gouvernement veut à tout prix mettre en place pour imposer cette modulation contre la volonté des EC.

Les autres changements de la grille se réduisent à une augmentation de 0 points pour les indice >821 et 11 points pour les autres soit une augmentation d’environ 1.5 %. Cet écrasement des grilles, qui est une caractéristique générale de ce plan, aggrave la dévalorisation des carrières.

Comment déjouer les plans du gouvernement ?

Tous les syndicats disent dénoncer les salaires scandaleusement bas à tous les niveaux de qualification. Le secrétaire du SNESUP a rappelé que, depuis 1983, nous avons subi une perte de pouvoir d’achat de 25% et parle lui aussi d’un début de rattrapage. De qui se moque-t-on ? Si on enlève les artifices de calcul  la revalorisation se transforme en plan de dévalorisation des salaires. Il faut être clair : accepter de le négocier signifie accepter de négocier des baisses de salaires.

Mais en participant à ces négociations sur ces pseudo-revalorisations, les directions syndicales permettent  aussi  de camoufler la réalité de l'ampleur de l'attaque sur les statuts qui se profilent apportent ainsi leur soutien au gouvernement dans son offensive général contre l’ESR.

 Quand Valls a annoncé l’application de PPCR, il s’est ouvertement appuyé sur le soutien de la FSU à l’accord PPCR, que sa direction a signé en bafouant les votes de ses syndiqués. De la même manière, le gouvernement s’est appuyé sur un accord signé par le SNESUP-FSU et l’UNEF pour faire adopter une loi instaurant la sélection à l’entrée du master, déjà les droits d’inscription des masters les plus sélectifs explosent et la sélection s’étend à l’entrée de l’université.

Valls vient d’être sévèrement désavoué par les primaires de son propre parti et le gouvernement voudrait pouvoir continuer sur sa lancée ?

La défense des personnels, de leurs statuts, des revendications salariales (à commencer par l’augmentation du point d’indice qui permette le rattrapage du pouvoir d’achat perdu), exige que les directions syndicales dénoncent cette contre-réforme, refusent de participer à l’application de PPCR dans l’ESR, et donc de négocier son plan d’application. Le Comité Technique Paritaire du MESR a été convoqué le 20 février dans le but de faire adopter cette contre-réforme. Déjouer les plans du gouvernement impose pour commencer que tous les dirigeants syndicaux décident dans l’unité de le boycotter ! 


 

Dès le 13 janvier, Front Unique avait soumis à la Commission Administrative  du SNCS-FSU une motion dans ce sens :

 

Plan de « revalorisation des salaires » dans l’ESR : Un marché de dupe !

Le ministère vient de porter à la connaissance des syndicats de l’ESR  son projet dit de « revalorisation  des salaires » de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) dans le cadre de l’application de PPCR, accord qui vise notamment à faciliter la mobilité et la fusion des corps inter et intra-fonction publiques.

Pour les chercheurs des organismes de recherche cela passerait par la restructuration du corps des Chargés de recherche avec :

- La suppression de la classe des CR2 qui sanctionnerait un recrutement de plus en plus tardifs des jeunes chercheurs (moyenne actuelle à 32,4 ans pour les CR2 et plus de 37 ans pour le CR1 !) avec la création d’une «  classe normale de CR » qui remplace la grille des CR1.

- Et la création d’une classe exceptionnelle de CR avec avancement au choix (critères ?) avec un contingent (15%) de recrutements extérieurs. Dans le cadre de restrictions budgétaires cette hors classe ne pourra se développer  qu’au détriment des recrutements des jeunes CR ou des promotions DR2.

Cette restructuration du corps des Chargés de Recherche permettrait un alignement sur celui des  Maîtres de Conférences de l’université  préparant  le terrain à la fusion de ces corps dans le cadre de  la mise en place des COMUEs.

Quant aux revalorisations, ces nouvelles grilles s’accompagnent d’augmentations indiciaires en trompe l’œil avec en particuliers la conversion d’une partie de la Prime  d’Encadrement de la Recherche en points d’indice (9 point en 2 fois).

La progression dans la grille de cette « classe normale » de CR est  ralentie par rapport à celle actuellement en vigueur pour les CR1 et son plafond est le même, une fois corrigé des 9 points venant des primes. Au total, les CR, qui constituent 80% des agents chercheurs du CNRS, y perdront. Notons que, côté Ingénieurs et Techniciens – qui ont déjà perdu les échelons accélérés- il en est de même par exemple pour la grille des Assistants Ingénieurs.

Ce projet de restructuration des grilles ne répond en rien aux revendications salariales des personnels de l’ESR qui sont scandaleusement sous-payés à tous les niveaux de qualification, bien au contraire !

La CA du SNCS demande le retrait de ce plan de dévalorisation des carrières. Elle décide de ne pas cautionner ce marché de dupe et donc d’arrêter immédiatement toute participation à des négociations sur ces pseudo-revalorisations.

Elle mandate le BN du SNCS pour contacter les BN des autres syndicats de l’ESR pour mener dans l’unité cette action sur cette orientation.

Pour : 2, Contre : 15, Abstention : 4, NPPV : 1




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