Lettre de liaison N°244 - 16 mars 2015 [Version pdf]
Le projet de réforme des collèges du gouvernement et de sa ministre Vallaud-Belkacem: le collège de l'ignorance, de l'inégalité des élèves, de la destruction des statuts et des qualifications des enseignants!
La direction du SNES doit se prononcer
pour le retrait du projet de réforme et en conséquence
boycotter la concertation organisée par la ministre pour faire passer son projet!
Après la “réforme des rythmes scolaires”, plaçant les enseignants sous la coupe des collectivités locales, effaçant les programmes nationaux au profit des “projets éducatifs territoriaux”, le gouvernement Hollande Valls Macron Pinel et sa ministre Vallaud-Belkacem entendent d'ici 3 semaines instaurer une réforme des collèges du même tonneau. Débute immédiatement une concertation avec les directions syndicales, visant à associer ces dernières à cette réforme.
Les enseignants de collège sont déjà confrontés à une situation insupportable : classes surchargées, tentatives permanentes de la hiérarchie de les accabler de réunions. Les DHG qui viennent de tomber prévoient des dizaines de suppressions d'heures. Et la contre réforme qui s'annonce vise encore à aggraver cette situation.
Un diagnostic démagogique, appuyé sur des résultats largement imputables aux précédentes contre réformes
La ministre justifie la réforme par les résultats de l'actuel collège. On exhibe des statistiques sur la baisse du niveau des élèves sans en donner les véritables causes : classes surchargées, suppression des dédoublements, modification des programmes dans le sens de la négation du contenu scientifique (à titre d'exemple l'enseignement de l'histoire qui a été réduit à une bouillie idéologique “anti totalitaire”). Comme d'habitude, les effets des désastreuses contre réformes antérieures servent d'argument pour promouvoir une nouvelle réforme encore plus réactionnaire.
On ne recule pas devant la démagogie : “Les élèves s'ennuient”, exhalant le mépris du travail des enseignants.
Le contenu des disciplines profondément amputé, voire liquidé
20% des heures des élèves sont désormais consacrés à des “projets interdisciplinaires”. Cela signifie que l'enseignement disciplinaire lui-même, les programmes nationaux seraient profondément amputés. En même temps, la ministre annonce des programmes profondément dénaturés. Ainsi, depuis des mois, Vallaud-Belkacem martèle sa volonté de substituer à la transmission des savoirs, de la culture, la transmission de prétendues “valeurs”… notamment celles de “la République” (?): à la formation de l’esprit critique, indissociable des connaissances qui permettent de réfléchir et d’argumenter, se substituerait un nouveau catéchisme par définition abrutissant. Certaines matières disparaîtraient purement et simplement en tant que telles à l’image du Latin, relégué au gré des “projets d'établissement” dans le cadre des projets interdisciplinaires : “langue et culture de l'Antiquité”. L'effet d'annonce sur l'introduction de l'enseignement de la seconde langue dès la 5ème est une escroquerie : ce rajout est payé d'une diminution horaire sur l'ensemble du cursus du collège et de la “globalisation” des heures d’enseignement en langues, transformant ces heures en variables d’ajustement et fragilisant sensiblement les postes des enseignants concernés.
“Projets interdisciplinaires” : l'inégalité érigée en principe
Vallaud Belkhacem prétend lutter contre les “discriminations sociales” au collège. La vérité est que la réforme des collèges l'entérine et la renforce. En décidant que le contenu de 20% des horaires sera défini localement, sa réforme instaure le collège des riches et celui des pauvres. Au lieu de permettre – par l'allègement des effectifs, les dédoublements - que les enfants, quelle que soit leur origine, accède aux même savoirs consignés dans des programmes nationaux, la réforme institue la ségrégation. Dans les collèges des quartiers bourgeois, les “projets” consigneront (peut-être) un approfondissement des disciplines. Pour les quartiers populaires, on fera du “ludique” et de l'“occupationnel” sous couvert de lutter contre “l'ennui”. On le voit déjà dans les établissements qui appliquent la réforme à titre “expérimental”. Le Monde nous livre les thèmes de projets interdisciplinaires du collège Pasteur aux Mureaux (Yvelines) : “Tous en scène”, “Héroes and superheroes” (sic!), etc. Par ailleurs, ces projets constituent le cadre du formatage idéologique des élèves comme des enseignants : “développement durable”, “monde économique et professionnel”, “citoyenneté”. Les têtes de chapitre annoncées permettent toutes les propagandes patronales, gouvernementales et cléricales, via l'invitation dans les classes des membres de la “réserve citoyenne” créée par le ministre.
La contre réforme s'articule sur le nouveau statut des professeurs : des profs taillables et corvéables à merci
Pour les professeurs, la contre réforme, c'est d'abord la négation de leur qualification disciplinaire puisque, pendant 20% de leur temps, ils feront autre chose qu'enseigner leur discipline.
C'est le pouvoir renforcé des chefs d'établissement, dans le cadre de l'”autonomie”, leur permettant d'astreindre les enseignants à d'innombrables réunions auxquelles, dans le cadre du nouveau statut d'août 14, liquidant les décrets de 50, ils auront obligation de participer : réunion d'élaboration de projets, réunion du Conseil pédagogique (dont les membres seront désignés par le chef d'établissement), réunion Ecole Collège pour les profs d'école et les profs de collège enseignant en 6ème, sans compter les innombrables réunions parents profs, puisque la réforme prévoit que les premiers doivent être étroitement associés aux “projets”. On voit ce qu'il en est du nouveau décret dont les dirigeants du SNES continuent à nous dire qu'il “sécurise” les services!
La responsabilité de la direction du SNES est centrale : il faut lui imposer de se prononcer pour le retrait du projet de contre réforme du collège ce qui signifie : boycott de la concertation visant à la mettre en place!
Face à une telle offensive, tout doit être fait pour que le syndicat soit mis au service des enseignants dans leur volonté de voir retiré ce projet.
La direction du SNES titre sa position ainsi : “Réforme des collèges : pas comme ça!”. On sait ce que cela signifie : au nom d'une “bonne réforme”, la direction du SNES s'engage à discuter de celle du gouvernement! D'ailleurs on ne peut à aucun moment séparer la dite réforme du “socle commun” dont le principe même est l'effacement des disciplines au profit des “compétences”. Ce socle commun vient d'être adopté par le CSE (Conseil Supérieur de l'Education) le 12 Mars. Comme tous les autres responsables syndicaux, ceux de la FSU et du SNES y ont participé allant jusqu'à s'abstenir, avec l'appréciation suivante : “Le socle commun de connaissances de compétences et de culture marque une rupture avec le socle de 2005 : il construit une culture scolaire commune en vue de la poursuite des études et non un ensemble de compétences utilitaristes visant une employabilité.”
C'est sur la collaboration des dirigeants du SNES que compte Vallaud Belkhacem lorsqu'elle organise – au pas de charge – une concertation qui doit se terminer par l'annonce officielle de la réforme le 10 avril.
Nous invitons les enseignants à prendre toutes les initiatives pour s'adresser aux dirigeants de l'ensemble des organisations syndicales et d'abord à celle du SNES, premier syndicat :
- Rejetez la contre réforme Vallaud Belkacem des collèges! Exigez le retrait du projet!
- Boycottez la “concertation” qui commence visant à la mettre en place!
Un tel combat s'inscrit dans le combat général pour imposer à la direction du SNES, de la FSU la rupture avec le gouvernement Hollande Valls Macron Pinel, qu'elle cesse de soutenir l'ensemble des contre réformes du gouvernement, en particulier contre le statut (réforme des rythmes scolaires, nouveaux décrets statutaires d'août 2014). Le courant Front Unique n'a pas d'autre ambition que d'aider à l'organisation de ce combat.