LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

Lettre de liaison N°243 - 14 mars 2015

Intervention d'Yvon Breda au BDFN de la FSU du 2 mars 2015

Il me semble nécessaire de revenir sur le fait politique, à l’échelle européenne, que constitue l’ « accord » signé par le nouveau gouvernement grec Tsipras-Kammenos, Syriza-« Grecs Indépendants », avec la Commission européenne.

En l’espace d’un mois, ce gouvernement a foulé aux pieds toutes les raisons pour lesquelles plus de deux millions de travailleurs et jeunes grecs ont voté pour Syriza le 25 janvier. La constitution d’une coalition gouvernementale avec les « Grecs Indépendants », une scission de la Nouvelle Démocratie qui a mis en œuvre toutes les contre-réformes au cours des dernières années, avait à cet égard valeur d’annonce de plan.

Cet accord, c’est la reconnaissance de la « dette » grecque et donc son « remboursement ».  C’est aussi l’engagement de faire payer cette « dette » aux seuls travailleurs grecs, puisque Syriza a convenu avec son allié gouvernemental de ne toucher à aucun des privilèges du clergé orthodoxe, des armateurs ou du patronat. Cet accord implique de tourner le dos aux quelques promesses de Syriza favorables aux travailleurs et aux jeunes. Cet accord implique enfin que les contre-réformes convenues depuis cinq ans avec la « Troïka » ne soient pas remises en cause, et que toute mesure décidée par le gouvernement grec soit soumise à l’aval de Bruxelles, Paris, Londres, Berlin.

La « leçon » politique que les principales bourgeoisies d’Europe voudraient infliger à travers cet accord ne concerne pas que les travailleurs grecs : elle est adressée aux travailleurs et aux jeunes de tout le continent. Cette « leçon », c’est qu’il n’y aurait pas d’autre choix que de poursuivre pour le pire et l’encore pire la même politique de contre-réformes anti-ouvrières qui saignent le peuple grec depuis 5 ans. La vérité, c’est qu’il n’est effectivement pas possible de mener une politique favorable aux travailleurs si l’on ne remet pas en cause les fondements du mode de production capitaliste – une option que les dirigeants de Syriza n’ont pas même soulevée. Notre fédération, dont les dirigeants ont salué la victoire électorale de Syriza comme « une brèche ouverte dans l’Europe de la Finance » et « l’espoir d’une évolution en faveur d’une autre conception de l’Europe » (Pour, janvier 2015) est directement concernée.

Il faut le dire : le gouvernement Tsipras-Kammenos, Syriza-Grecs Indépendants, apparaît comme un gouvernement anti-ouvrier. Cette alliance politique entend reproduire sous forme de farce la tragédie déjà jouée par les dirigeants du PASOK, massivement élus en 2009, et qui se sont alliés avec la Nouvelle Démocratie pour avaliser les mémorandums.

Mais ce gouvernement se situe en contradiction totale avec ce que les travailleurs et la jeunesse grecs ont exprimé lors des élections du 25 janvier : ils ont élu une nette majorité de députés issus des partis liés au mouvement ouvrier, Syriza, KKE et PASOK dont l’influence au sein des organisations syndicales reste considérable. Ils ont voté, non pas par adhésion aux programmes de ces partis, mais dans le prolongement de leurs propres luttes, grèves et manifestations, de leurs propres revendications exprimées depuis 5 ans. Il n’est pas possible de savoir à l’avance comment les travailleurs grecs réagiront à cette nouvelle trahison. Mais ce qu’il est possible de dire, c’est que l’issue positive, la seule, passerait désormais par le combat pour dicter à cette majorité les revendications, ce qui supposerait de refuser tout paiement de la prétendue « dette », donc de rompre avec le gouvernement Tsipras-Kammenos.

Je dis et je maintiens : rompre avec le gouvernement, dicter les revendications à la majorité issue des partis ouvriers. Eh bien, si l’on considère maintenant ce qui vient de se passer en France, on a une illustration saisissante de ce que donne l’orientation inverse : car si le gouvernement Hollande-Valls-Macron-Pinel vient de recourir au 49-3 pour faire passer sa loi, ce n’est pas en réaction à une crise politique qui le mettrait immédiatement en difficulté. Du côté des dirigeants syndicaux, il n’y a pas eu une voix pour demander le retrait du projet de loi, pas une voix pour en exiger l’abrogation désormais. C’est, au contraire, parce que depuis des mois les dirigeants des organisations syndicales ont multiplié les signes de soumission au gouvernement, passant sous silence l’offensive anti-ouvrière historique contenue dans la loi Macron pour mieux garnir les rangs de l’ « union nationale » autour des « valeurs de la République », que Valls a jugé possible de passer en force sans même accorder aux députés dits « frondeurs » les quelques miettes qu’ils réclamaient pour voter ce texte.

C’est encore appuyés sur cette collaboration des dirigeants syndicaux que ceux du MEDEF ou de l’UMP se sont offert le luxe de ne pas voter le texte, après l’avoir co-élaboré de bout en bout. Alors oui : c’est bien l’ « esprit du 11 janvier » qui a inspiré Valls, et ce sont bien les « valeurs de la République », de la Vè, qui s’expriment en concentré dans le recours au 49-3. Le passage en force de la loi Macron constitue un coup d’une extrême violence porté aux travailleurs, un coup porté à froid : en négatif, il s’agit d’une illustration cuisante de la nécessité de rompre avec le « dialogue social » avec le gouvernement, sur le terrain des contre-réformes.

Et les mêmes dirigeants syndicaux qui ont laissé passer la loi Macron, le 49-3, sans lever le petit doigt, proposent maintenant l’organisation d’une journée « d’actions » pour le 9 avril. La question qui est posée, c’est : cette journée a-t-elle pour objectif de donner un coup d’arrêt à l’offensive du gouvernement ? Vraisemblablement pas, si l’on considère le fait que Valls a convoqué les directions syndicales le 25 avril pour discuter des « seuils sociaux » et du projet de loi sur le « dialogue social »  - c’est-à-dire la liquidation des délégués d’entreprise, des sections syndicales d’entreprise – et que tous ont répondu présent.

Dans la Fonction Publique, la journée du 9 avril est posée alors que :

-          Les négociations sur les « Parcours Professionnels, les Carrières et la Rémunération » dirigés contre le statut général des fonctionnaires se poursuivent, avec la participation sans faille de tous les dirigeants syndicaux ;

-          Le gouvernement n’a pas renoncé à faire endosser par les directions syndicales un projet d’accord sur la « Qualité de Vie au Travail » qui, sous couvert de favoriser l’ « expression directe des agents », entend les associer de force aux suppressions de postes, à la prise en charge d’une pléthore de tâches, à la destruction des métiers ;

-          Dans l’enseignement public, les enseignants du second degré sont confrontés aux conséquences pratiques de l’abrogation des décrets de 1950 qui définissaient leurs statuts, une abrogation contre laquelle les dirigeants du SNES n’ont pas levé le petit doigt.

Je terminerai sur ce dernier point : après l’adoption d’une nouveau décret définissant les obligations de service des enseignants cet été, le gouvernement élabore actuellement une circulaire d’application qui est un véritable bréviaire de la destruction du métier d’enseignant. La continuité est totale entre le décret et la circulaire : mais cette dernière a pour caractéristique de détailler précisément l’addition, en termes de tâches exigibles et imposables par les chefs d’établissement – c’est-à-dire absolument tout et n’importe quoi, dans la seule limite des 1607 heures annuelles valables dans la Fonction Publique. Le décret sur les nouvelles indemnités IMP confère, quant à lui, un pouvoir discrétionnaire aux chefs d’établissements sur les missions, la rémunération et l’évaluation du travail des enseignants !

Donner un coup d’arrêt à l’offensive gouvernementale : cela commencerait assurément par cesser de soutenir ce gouvernement en cessant de « dialoguer » avec lui de tous ses projets réactionnaires. De manière immédiate, la responsabilité des dirigeants du SNES et de la FSU, ce serait de se prononcer pour le retrait pur et simple du projet de circulaire sur les obligations de service, l’abrogation du décret instituant les IMP, l’abrogation de la circulaire de juillet 2014 et le retour à la situation antérieure.




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