Lettre de liaison N° 241 - 26 janvier 2015 [Version pdf]
Le gouvernement veut donner aux chefs d’établissements la main sur une partie du salaire des enseignants.
La direction du SNES doit exiger le retrait pur et simple du projet de décret indemnitaire, et rompre toutes discussions à son sujet.
Le 14 janvier, le ministère a présenté aux organisations syndicales enseignantes un projet de décret qui institue une indemnité pour l’exercice de missions particulières pour les enseignants.
Il s’agit des missions concernées par l’article 3 du décret qui, en 2014, abrogeait les décrets de 50. Ce décret ajoutait dans les obligations de service des enseignants toute une série de missions obligatoires : concertation, aide aux devoirs, orientation des élèves, etc. Il y ajoutait aussi, dans son article 3, des missions « sur la base du volontariat » (volontariat dont on sait ce qu’il peut signifier dans la pratique pour les enseignants.)
Voilà maintenant que, en application de ce décret, le ministère veut instituer une indemnité versée au niveau de l’établissement pour l’accomplissement de ces missions. Il est une preuve de la nocivité du décret 2014-940 abrogeant les décrets de 50, que la direction du SNES doit donc cesser de soutenir.
On remarque dans cette prime des éléments qui rejoignent notamment le RIFSEEP, prime au « mérite » imposée à l’ensemble de la fonction publique : une très large autonomie est offerte aux chefs d’établissement pour rémunérer des missions. Le projet de décret liste un certain nombre de missions (coordination de disciplines, heures de laboratoire, référents culture, etc.) mais rien n’obligerait les chefs d’établissement à rémunérer celles-là précisément. Par ailleurs, rien ne les empêcherait non plus d’indemniser toute autre mission qu’ils jugeraient « d’intérêt pédagogique ou éducatif », c’est dire si les chefs d’établissement auraient toute liberté pour rémunérer… ou pas les enseignants de leur choix ! Le tout à partir d’une enveloppe fixée à chaque établissement par les rectorats.
Le Ministère instituerait 6 taux de rémunération annuels allant de 312,50€ à 3750€ : une différence de 1 à 12 !
Les chefs d’établissement pourraient donc décider d’une part du salaire des enseignants, récompenser les bons et loyaux services de ceux qu’ils affectionnent et au contraire, punir les autres. Le fait que ces indemnités doivent être présentées au CA ne donne aucune garantie. Au contraire, on peut s'inquiéter du fait que les parents d’élèves auraient eux aussi un droit de regard sur une partie des rémunérations des enseignants.
Bien sûr, dans le contexte actuel, créer cette indemnité signifie rogner sur les DHG, budgets de fonctionnement de nos établissements. Cela signifie aussi plus d’inégalité entre établissements, entre collègues. Pour certains collègues, les professeurs d’EPS qui assurent une coordination, par exemple, les taux préconisés entraîneraient même une baisse de rémunération.
Mais surtout, alors que l’ensemble des fonctionnaires subit depuis 8 ans le gel des salaires, la volonté du gouvernement est claire de substituer au salaire défini par des critères nationaux, un système de paiement à géométrie variable, en fonction du bon vouloir des autorités locales. Cela donnerait au gouvernement, aux chefs d’établissement un formidable moyen de pression pour imposer leurs volontés et continuer leur travail de destruction de l’enseignement public. Cela, à l’inverse, laisserait les enseignants isolés individuellement face à ces attaques.
Dans l’article consacré à cette indemnité, l’US N°749 (journal du SNES-FSU) indique : « Pour le SNES-FSU, ce projet est inacceptable. » Mais alors, faut en tirer les conséquences.
La direction du SNES doit donc exiger le retrait pur et simple de ce projet de décret. Elle doit rompre toutes discussions sur ce projet avec le gouvernement. Elle doit s’adresser aux autres organisations syndicales afin d’organiser le combat commun pour obtenir ce retrait.
Des dizaines d'élèves, des
professeurs sanctionnés pour avoir
"posé des questions insupportables".
Agissons pour imposer le Front Uni des organisations syndicales
pour la levée des sanctions, l'arrêt des poursuites !
Des dizaines d'élèves et de professeurs sanctionnés et réprimés pour avoir, au lendemain du 7 janvier, posé des "questions insupportables"
En réponse au député UMP Goasguen – bien connu pour œuvrer inlassablement pour que soit reconnue comme délit, toute expression d'une opinion antisioniste et favorable au droit du peuple palestinien –, Najat Vallaud-Belkacem avait eu cette réponse incroyable : « Même lorsqu'il n'y a pas eu d'apologie du terrorisme, il y a eu de trop nombreux questionnements. Nous avons entendu : "Oui, je soutiens la liberté d'expression, mais..." ou encore : "Il y a deux poids deux mesures". Ces questions nous sont insupportables. ».
Vallaud-Belkacem a annoncé, au terme de son intervention, des sanctions. Ces sanctions n'ont pas tardé, tant contre les élèves que contre les professeurs. Comme l'indique Vallaud-Belkacem elle même, il ne s'agit pas de sanctions pour apologie du terrorisme, mais pour avoir posé "des questions insupportables", ou s'agissant des enseignants, pour avoir tenté d'y répondre.
Ainsi ce professeur d'Arts plastiques de Mulhouse mis à pied par le recteur, puis réintégré suite à une pétition signée par 3000 collègues, et surtout à une grève suivie à 80% dans son établissement pour sa réintégration.
Ainsi ce professeur de philosophie de Poitiers qui déclare considérer "les djihadistes comme des fascistes" mais avoir invité ses élèves à réfléchir sur "les causes du terrorisme" et pour cette raison immédiatement suspendu de ses fonctions (Voir http://www.centre-presse.fr/article-364424-le-rectorat-suspend-le-prof-et-saisit-la-justice.html).
On le voit, “l'union sacrée”, “l'union nationale” donne au gouvernement l'opportunité de prendre des mesures dignes des pires régimes totalitaires. Relève de la même logique la publication quelques jours après le 11 janvier des programmes d' “éducation civique et morale” qui, entre autres prévoient l'intervention dans les établissements de la hiérarchie militaire pour “expliquer” les conflits actuels.
Le courant Front Unique de la FSU a présenté lors de son conseil national des 20 et 21 janvier la courte motion suivante – rejetée sans explication par ceux qui au sommet du syndicat soutiennent l'union sacrée :
Levée des sanctions à l’encontre des personnels et des élèves
La Ministre de l’Education Nationale a déclaré à l’Assemblée nationale le 14 janvier :
« En effet, même là où il n’y a pas eu d’incident, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Nous avons tous entendu des phrases telles que : « Je soutiens Charlie, mais… », ou encore : « C’est deux poids deux mesures : pourquoi défendre la liberté d’expression ici, mais pas là ? ». Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs. »
Le Cdfn condamne ces propos et exige la levée immédiate des sanctions frappant les personnels et les élèves en application des injonctions ministérielles.
Mais le combat des professeurs de Mulhouse obtenant la réintégration de leur collègue avec le soutien des responsables départementaux du SNES, montre que l'aspiration à l'unité contre toute sanction, pour la défense des libertés démocratiques, de la défense du métier d'enseignant – qui consiste précisément à aider les élèves à formuler leurs questions et à y répondre – est puissante. Elle doit s'imposer aux dirigeants syndicaux!
Nous invitons les collègues dans les établisements, les syndiqués dans leurs instances syndicales à prendre partout position pour exiger des directions syndicales (FSU, CGT, FO) qu'elles se prononcent contre toute sanction.