Lettre de liaison N° 230 - 23 mars 2014 [Version pdf]
Le projet de décret Peillon détruit nos garanties statutaires ; il liquide les décrets de 50 et transforme les enseignants en personnels taillables et corvéables à merci.
LES ORGANISATIONS SYNDICALES DOIVENT SE PRONONCER DANS L'UNITE
POUR LE RETRAIT DU PROJET DE DECRET PEILLON.
La responsabilité des dirigeants du SNES : rompre son soutien à Peillon et son décret !
La responsabilité de tous les dirigeants syndicaux (FSU, SE, CGT, FO) : boycotter dans l'unité le CTM du 27 mars, étape décisive vers la publication du décret.
Un bouleversement fondamental de nos obligations de service.
Nos obligations de service sont fixées jusqu'à maintenant par des maxima de service hebdomadaire d’enseignement. Toutes les autres tâches que nous accomplissions étaient déterminées par cet enseignement (préparations, corrections, conseils de classe)
Il y a eu différentes offensives menées contre les décrets de 1950, et notamment les décrets de 1972, qui définissaient déjà les fonctions des enseignants comme « principalement » un service d’enseignement. Par ce biais les différents gouvernements avaient fait entrer dans la pratique de nombreuses tâches supplémentaires, présentées comme découlant de « l’évolution nécessaire du métier ». Mais les décrets de 1950 n’ont pu être abrogés, ni en 1972, ni depuis, par la résistance des enseignants. Ainsi, depuis des dizaines d’années, en s’appuyant sur ces décrets de 1950, les professeurs ont pu contenir et limiter la pression exercée pour augmenter leur temps de travail. Le projet Peillon, par son article 10, les abrogerait purement et simplement. C’est une digue qui sauterait, une digue qui nous a protégés durant des décennies.
Désormais, outre les heures d'enseignement, les « missions liées au service d'enseignement » que les enseignants « sont tenus d’accomplir » sont définies de manière extensive et quasi illimitée dans l'article 2 :
« Les missions liées au service d'enseignement qui comprennent les travaux de préparation et les recherches personnelles nécessaires à la réalisation des heures d'enseignement, l'aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans leur projet d'orientation en collaboration avec les personnels d'éducation et d'orientation, les relations avec les parents d'élèves, le travail au sein d'équipes pédagogiques constituées d'enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupe d'élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire. Dans ce cadre ils peuvent être appelés à travailler en équipe pluri - professionnelle associant les personnels de santé, sociaux, d'orientation et d'éducation. »
Cela signifie par exemple :
- qu'il n'y a plus aucun recours désormais contre les convocations à répétition et à l'improviste par de zélés chefs d'établissement, par exemple contre le nombre de réunions parents-profs, de conseils exceptionnels, de réunions de toute sorte. Aucune limitation n'existe puisque ceci se situe « dans le cadre de la réglementation applicable à l'ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail ». Encore faut-il dire que cette « limitation » (1607 heures annuelles) n'en est en l'occurrence pas une puisque nul ne va mesurer le temps passé à toutes ces tâches désormais obligatoires, puisque sont aussi intégrées les tâches non mesurables (préparation, recherche, correction).
- que l'aide au travail personnel des élèves ne s'exerce pas dans le cadre des 15 ou 18 heures (ce qui suppose des groupes réduits, des dédoublements etc.) mais hors ces 15 ou 18 heures, sous forme d'un surtravail gratuit et désormais imposé. L'enseignant doit répondre à toute sollicitation d'un élève en dehors de son service.
- que les enseignants sont désormais chargés de tâches d'orientation, de suivi social et de santé, en collaboration avec les personnels qualifiés pour ces tâches dans un premier temps, et probablement à leur détriment ensuite ( on connaît l'acharnement des gouvernements successifs contre les COPsy par exemple).
Dans ce cadre, le rappel de maxima hebdomadaires d’enseignement n’est qu’un leurre.
Quand les Chefs d'établissement et les CA distribuent quelques menus avantages
L'article 2 donne déjà un pouvoir exorbitant aux chefs d'établissement en matière de nouvelles obligations imposées aux collègues. Mais en outre, ils pourront distribuer des allègements de services à certains collègues chargés de « missions particulières ». C'est ce qu'indique l'article 3 : « Les enseignants peuvent s'ils le souhaitent, au titre d'une année scolaire exercer des missions particulières au niveau de l'établissement, et au niveau académique sous l'autorité du recteur....(Ils) peuvent bénéficier d'un allègement de leur service d'enseignement attribué sur décision du recteur.... Lorsque la mission est réalisée au niveau de l'établissement, la décision du recteur intervient après proposition du Conseil d'administration. ». Voilà donc les CA (où siègent des collègues) chargés de distribuer quelques menus avantages à quelques autres... voire à eux-mêmes ! Il s'agit de créer une nouvelle catégorie d'enseignants qui auront éventuellement une fonction d'encadrement des autres. C'est ce qu'indique le mieux la lettre au Premier ministre de Peillon, qui accompagne le projet de décret, citant parmi ces « missions particulières » : « coordination de discipline, coordination d'un cycle ou d'un niveau d'enseignement... ou toute autre responsabilité proposée par le conseil pédagogique et arrêtée par le chef d’établissement. » En clair, dans les établissements scolaires, voici venu le temps des chefs d'établissement tout puissants et de leurs caporaux.
Comment pourrait-on accepter que la direction du SNES soutienne un tel projet de décret ?
Il y a d'autres aspects dans le projet de décret qui sont loin d'être négligeables. Par exemple la suppression des heures de premières chaire aboutit au fait que le nouveau décret se traduirait par une diminution de salaire pour nombre de collègues en lycée. Pour ce qui est des collèges, la « pondération horaire » dont bénéficieront les profs des établissements REP + (en nombre très réduit : 102 à la rentrée) se paiera pour eux d'obligations en matière de réunions et tâches diverses en dehors des cours multipliés à l'infini ; et pour les autres collèges par une dégradation en matière de moyens, de taux d'encadrement, etc. Cette dégradation, programmée dès la rentrée 2014, a d'ores et déjà suscité d'importants mouvements de grève, en particulier dans le 92.
Comment, dans ces conditions, la direction du SNES peut-elle écrire dans son courrier aux syndiqués du 20/03 : « Ce projet reprend les points fondamentaux des décrets de 1950 en définissant les maxima hebdomadaires de service en heures d’enseignement, en rappelant le caractère dérogatoire du statut des enseignants dans le cadre du statut général de la Fonction publique tout en adoptant des formulations claires excluant les litiges qu’autorisaient les rédactions antérieures. »
N'importe quel enseignant qui lit le projet de décret ne peut que se rendre compte qu'il s'agit d'une contre vérité manifeste !
Il est clair que de puissantes raisons – toutes étrangères à la défense des intérêts des collègues, toutes déterminées par la soumission au gouvernement PS-EELV-Radicaux dont Peillon est le ministre de l’Éducation – ont conduit la direction du SNES à un tel travestissement !
Il est décisif pour les enseignants d'intervenir par tous les moyens pour imposer que soit rompu ce soutien de la direction du SNES au gouvernement, soutien décisif pour ce dernier dans le but de détruire notre statut ! Dirigeants du SNES, exigez le retrait du projet Peillon !
Une échéance de première importance : le Comité Technique Ministériel du 27 mars.
La présentation du décret devant le CTM est le passage obligé pour sa promulgation. Que le CTM se tienne, et la voie est libre pour le gouvernement. La question décisive n'est donc pas – contrairement à ce que disent tous les dirigeants syndicaux – de savoir quel vote sera émis par les uns et les autres. Dans un passé récent, nombre de décrets ont été promulgués y compris après un vote unanime contre (ce que n'envisage même pas la direction du SNES, qui compte s'abstenir!). La question décisive est : le CTM aura-t-il ou non lieu en présence des directions syndicales. En clair, empêcher le décret d'être adopté, c'est boycotter le CTM du 27 Mars. C'est ce qu'il faut exiger de l'ensemble des directions syndicales.
Unité syndicale (SNES, SNEP, SE, CGT, FO) pour le retrait du projet de décret Peillon ! Boycott du CTM !
Dans certaines académies et au niveau national, des élections vont avoir lieu pour renouveler les instances du SNES. Nous invitons les collègues qui veulent que leur syndicat défende leur statut à se porter candidats sur la liste Front Unique constituée sur cette base.