LETTRE DE LIAISON
des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public
Lettre de liaison N°162 - supplément congrès - 2 février 2010
Intervention au nom de la tendance Front Unique
à la tribune du congrès national de la FSU le 1er février
La première question qui est posée à ce congrès c'est définir sur quelle orientation il est possible de porter un coup d'arrêt à la déferlante réactionnaire qu'orchestrent Sarkozy et Fillon.
Cette question prend un tour plus urgent que jamais avec les développements de la crise du capitalisme.
Non seulement la crise bancaire n'est pas terminée, non seulement la crise industrielle s'approfondit chaque jour, jetant des millions de prolétaires au chômage, mais maintenant s'y conjugue la crise d'endettement des Etats, qui ont volé une fois de plus, peut être une fois de trop, non seulement dans les caisses, mais au secours des patrons et des financiers.
Voilà qu'en Europe la Grèce, l'Espagne, l'Irlande sont au bord de la faillite. Et ces pays nous montrent l'avenir commun de tous les travailleurs des pays capitalistes dominants: c'est une offensive sans précédent depuis 1945, que tous les gouvernements voués à la défense du capitalisme mènent, ou vont devoir mener. En Espagne alors qu'il y a déjà un million de chômeurs en plus - le gouvernement vient d'annoncer des dizaines de milliards, entre 50 et 70, on ne sait plus, de coupes budgétaires, et le passage de l'âge de la retraite à 67 ans. En Irlande c'est la baisse brutale de 5 à 15% du salaire des fonctionnaires. En Grèce des privatisations sans précédent sont à l'ordre du jour.
En France le gouvernement Sarkozy-Filon n'a pas d'autre programme, ni en matière de retraites, ni en matière de suppressions de postes, avec la RGPP. Et voilà que Darcos annonce une baisse des cotisations chômage, ceci alors qu'un million de chômeurs vont arriver en fin de droit en 2010. C'est un scandale! Autre exemple qui nous touche tous, le grand emprunt. C'est une machine à privatiser totalement l'université et la recherche publique, à arroser le patronat de subventions (lesquelles ont d'ailleurs été négociées avec les directions confédérales dans le cadre des Etats-Généraux de l'Industrie).
Et dès cette semaine, la première traduction de cet " emprunt " sera dans le projet de loi de finances rectificatives qui arrive cette semaine au Parlement, ce sont 500 millions d'euros de coupes budgétaires qui sont pris à la fonction publique.
Mais la crise offre aussi un spectacle glaçant pour les travailleurs du monde entier: ils voient, dans le cadre de la CSI (et de la 'Confédération Européenne des Syndicats' à laquelle on veut nous faire adhérer), les dirigeants syndicaux qui saluent les résultats des G20, qui s'affirment publiquement pour un capitalisme "régulé", vert, propre sur lui, etc... De dirigeants syndicaux, qui en Amérique renoncent pour des années au droit de grève dans l'automobile, ou qui en Suède acceptent dans la métallurgie des baisses de salaires. Le spectacle de dirigeants syndicaux appelant toujours dans le cadre de la C.S.I. à la prolongation des plans de 'relance' de l'économie capitaliste (des milliards versés aux 'banksters', spéculateurs et exploiteurs).
Au contraire, alors que le capitalisme roule vers l'abîme, le devoir des directions syndicales, c'est de défendre des mesures de salut public qui permettraient de rompre avec la loi du profit, responsable de cette crise mondiale. Au centre de celles-ci, il y l'élaboration collective d'un plan de production, de distribution, car c'est le seul moyen d'assurer le droit au travail et satisfaire les besoins des classes populaires. Cela exige d'arracher des griffes des grands groupes capitalistes les secteurs-clé: alimentation, énergie transports, communications, logement, culture,... Cela implique de combattre pour un gouvernement qui mènerait une telle politique d'expropriation du capital.
Il faut le dire: c'est à l'exact opposé de cette perspective que se sont situés les dirigeants syndicaux. La plateforme unitaire intersyndicale du 5 janvier 2009, mais soutenue au-delà des Verts au NPA en passant par le PS. Celle-ci se situait en effet explicitement dans le cadre de l'économie de marché, sur le terrain de la discussion avec le gouvernement Sarkozy-Fillon, et c'est pour cela qu'elle ne comportait aucune revendication. Car les revendications des travailleurs ne sont pas Sarko-compatibles.
En janvier, en mars, des millions de manifestants aspiraient à combattre le gouvernement pour leurs revendications. Ils ont eu droit au redoublement de la concertation avec Sarkozy. Et le voilà qui fanfaronne, le Sarkozy, au moment de ses vœux: il est heureux! Il dit je cite "le dialogue social est d'une densité sans précédent", se vantant même d'avoir "travaillé la main dans la main" avec certaines directions syndicales. Sarkozy se félicite: "Ensemble nous avons évité le pire". Mais camarades, qu'est-ce que 'le pire' pour Sarkozy sinon la remise en cause de son pouvoir? Voilà ce que la politique des directions syndicales a évité.
Et sur ceux qui ne font pas dans le syndicalisme "rassemblé", "responsable" qu'il encense, le gouvernement lâche les chiens de la répression policière. On le sait pour ce qui est de nos lycéens. Mais à cet égard je veux saluer ici particulièrement les ouvriers de Continental, exploités pendant des années, puis licenciés, puis victimes de la répression étatique acharnée à leur faire payer le fait de s'être dressé contre leur licenciement, mais aussi lâchés et cloués au pilori par les directions confédérales pour avoir dit tout haut ce que tout travailleur conscient sait, à savoir, je cite Xavier Mathieu, que les appareils syndicaux ont comme politique de 'frayer avec le gouvernement' et de 'calmer la base'.
Alors la question qui est posée à notre congrès depuis un an n'est pas le rythme ou le calendrier des journées d'action: une de plus, deux de plus? La belle affaire!
La vraie question, c'est celle des objectifs poursuivis: soit le dialogue social avec le gouvernement, soit le combat contre lui.
Car il n'y a pas de dialogue social possible si le point de départ des directions syndicales était la défense intransigeante, pied à pied, des revendications des travailleurs.
Gérard Aschiéri, nous dit dans son allocution: "il faut ouvrir les portes et les fenêtres".
C'est le contraire qu'il faut faire quand l'ouragan souffle: protéger et défendre nos acquis.
Voilà pourquoi ce congrès doit lancer un appel solennel aux directions confédérales que Sarkozy a convoquées le 15 février pour leur donner son "agenda social" - comme un général discute de l'ordre du jour avec ses lieutenants.
Et cet ordre du jour, c'est une nouvelle offensive contre les régimes de retraites et en particulier contre le calcul des pensions sur les 6 derniers mois. C'est aussi l'attaque contre la Sécurité social. Alors notre congrès doit donc s'adresser aux dirigeants des confédérations pour leur dire: "mettez Sarkozy en quarantaine, il est pire que la grippe, n'allez pas au sommet du 15 février"!
Mais dans l'enseignement, la fonction publique, Sarkozy et ses sbires ne peuvent pas non plus se plaindre de la densité du 'dialogue social', ni, hélas de ses résultats. Il faut rappeler ici ce que signifie la signature des accords de Bercy sur la représentativité, si importants que le Cdfn a dû voter deux fois, puisque le premier vote n'était pas favorable et que pour arracher cette signature Aschiéri a mis sa démission dans la balance. Que dit ce texte signé par la FSU, SUD, etc? "des convergences existent entre le gouvernement et les organisations syndicales". C'est pourquoi nous demandons à ce que la ratification de ces accords soit soumise au vote de ce congrès, pour voter contre les "convergences" avec le pouvoir.
Sur la question de la formation des maîtres, élément de crise dans notre fédération, voilà qu'arrivent dans les classes les stagiaires à temps plein, qui seront eux-mêmes remplacés par des étudiants préparationnaires servant de moyens d'enseignement. Il faut que le congrès appelle à s'y opposer.
Mais il faut aussi dire ce qui est: alors que les universités étaient secouées par un mouvement historique, le Conseil National de la FSU a rejeté la proposition Front Unique d'exiger le retrait pur et simple de cette 'réforme'.
Puis c'est le Bureau National qui a rejeté la position Front Unique de ne pas participer aux groupes de travail qui ont finalisé cette " réforme ". En septembre encore le Conseil National les 3 principales tendances qui se sont opposées à ces positions ont voté en chœur au Cdfn une demande de " réécriture " de la circulaire sur les stages! Comme si le rôle du syndicat était de réécrire les circulaires gouvernementales!
Quant à la réforme des lycées, suspendue une première fois l'an passé, elle n'a repris son cours que grâce à la participation des directions syndicales aux concertations Descoings, puis Chatel.
Chatel a expliqué lui-même devant le C.S.E que tous les textes soumis au vote - et ils ont été adoptés - étaient le produit du travail de concertation. Ce qui n'empêche pas la pétition unitaire intersyndicale " pas cette réforme là " de demander encore à Chatel la reprise des 'discussions'.
Alors c'est avec cette politique qu'il faut rompre, sans quoi la direction de la FSU prendrait la responsabilité d'ouvrir la voie à l'offensive du gouvernement.
Notre congrès doit appeler au boycott du sommet social du 15 février.
Notre congrès doit décider de retirer la signature de la FSU des accords dits de Bercy.
Notre congrès doit se prononcer pour le retrait du projet de loi qui finance le "grand emprunt", la privatisation des universités et de la recherche, et décider que la FSU ne participera pas à son comité de suivi - comme l'y invite le gouvernement.
Notre congrès doit se prononcer pour la défense inconditionnelle du code des pensions, contre tout allongement de la durée de cotisation.
En conséquence, il a à se prononcer pour le départ du C.O.R. qui prépare le rapport commandité par le gouvernement pour aller vers l'allongement, et naturellement contre toute participation aux négociations annoncées par Sarkozy sur ce sujet.
Enfin, c'est sur une telle orientation qu'il sera possible de défendre la fédération et ses syndicats nationaux, menacés aujourd'hui par des projets de 'recomposition' concoctés directement à l'Elysée.
Notre congrès doit, en un mot, adopter une orientation de combat contre le gouvernement Sarkozy-Fillon, pour le retrait de ses contre-réformes, pour l'arrêt des suppressions de postes, de la RGPP;
Et pour cela il faut ouvrir les perspectives aux travailleurs que le "dialogue social" ferme, opposer à Sarkozy le front unique des organisations issues du mouvement ouvrier, combattre pour le vaincre, et le défaire, rompre avec le gouvernement, rompre avec le dialogue social. Pour notre fédération, pour l'ensemble des travailleurs, c'est là le seul chemin qui ouvre un avenir.
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