LETTRE DE LIAISON
des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public
Lettre de liaison N°131 - 6 juin 2008
Le gouvernement veut détruire le baccalauréat par la "modularisation" et l'"individualisation des parcours"; il veut liquider la qualification des professeurs attestée par le CAPES et l'Agrégation; il veut une "réforme" pour supprimer des dizaines de milliers de postes.
La direction du SNES a signé avec lui un texte intitulé: "points de convergence sur les objectifs et les principes directeurs de la réforme du lycée"
LA DIRECTION DU SNES DOIT RETIRER SA SIGNATURE, OFFERTE AU GOUVERNEMENT DANS LE DOS DES ENSEIGNANTS!
Qui peut douter des objectifs du gouvernement Sarkozy Fillon?
24 avril. Sarkozy à la télévision:
"Les enseignants sont dévoués, compétents, font ce qu'ils peuvent…s'il suffisait seulement d'embaucher des enseignants pour avoir la meilleure éducation nationale, ça se saurait"… "Ce sont les réformes qui permettront les suppressions de postes... On maintient les réformes qui permettront les suppressions de poste."
La réforme devrait permettre "d'alléger les heures de cours, supérieures à tous les autres pays européens". Il faut en finir avec "tout un tas d'options où personne ne va".
9 mai. Darcos au "Monde": "Le ministre avance la notion de modularité des enseignements… le mode de fonctionnement de ce nouveau lycée se rapprocherait plus d'une logique universitaire, de la construction d'un parcours individuel que de l'organisation scolaire traditionnelle."
2 juin. Sarkozy aux recteurs: "Je dénonce la surcharge des emplois du temps; il y a pléthore d'options inutiles… si la question était celle du nombre de recrutements, les enseignants seraient les plus heureux du monde… les enseignants ont vocation à être formés à l'université…la réforme des lycées professionnels a été menée ... à la rentrée il y aura généralisation des bacs pros en trois ans, nous allons réformer les concours… il faut parler mobilité…l'enseignement a tout à gagner au fait que des gens qui viennent d'ailleurs puissent venir enseigner pendant quelques années… il faut parler d'affectation… le système actuel des affectations ne convient pas… il ne permet pas de mettre la bonne personne au bon endroit… c'est à la hiérarchie d'annoncer les affectations et à personne d'autre, à moins qu'on me dise qu'il y a dans l'éducation nationale une hiérarchie parallèle."
Les enseignants savent lire et écouter. L'objectif est clair et net; la réforme du lycée a pour but:
- de supprimer les dizaines de milliers de poste en réduisant massivement les heures de cours, en liquidant les options,
- de pulvériser le baccalauréat et ses différentes filières. Le baccalauréat à la carte sur la base d'un parcours individuel; ce ne peut plus être le baccalauréat, premier diplôme universitaire, et donc attestant d'un niveau atteint par tous les lauréats,
- de liquider la qualification des professeurs sous couvert d'augmentation d'un an de la formation à l'université - qui signifie chemin faisant la liquidation des IUFM. L'intégration de la formation pratique à l'université sous statut d'étudiant ouvre la voie à la liquidation des professeurs stagiaires, rémunérés et fonctionnaires, dont l'année de stage était la première année dans le déroulement de carrière,
- de liquider les garanties en matière de recrutement. Le discours de Sarkozy du 2 juin contre la "hiérarchie parallèle" signifie la fin des commissions paritaires et du contrôle syndical, qui s'exerce pour le respect des statuts, et contre l'arbitraire administratif. Notons le: ce discours de Sarkozy s'est tenu un peu plus d'une heure… après la signature par les dirigeants CGT, FSU, UNSA de l'accord "dialogue social" dans la Fonction Publique!
Aucun enseignant ne peut accepter que la direction du SNES s'engage dans la mise en œuvre concertée d'une telle réforme.
C'est dans ce contexte que la direction du SNES vient de signer un texte au titre éloquent: "Points de convergence sur les objectifs et les principes directeurs de la réforme du lycée".
A tous ceux que de telles "convergences" sidèrent, la direction du SNES indique: "Son contenu a été rédigé sous la pression des mobilisations en particulier le succès de la grève du 15 mai et de la manifestation du 18 mai".
De qui se moque-t-on?
Lundi 2 juin, Sarkozy réitère tous les objectifs de la "réforme" y compris les suppressions de poste, la remise en cause des garanties en matière d'affectation.
Mardi 3 juin, Sarkozy reçoit Aschiéri "à la demande de Sarkozy" lui-même.
Et mercredi 4 juin, la direction du SNES pourrait annoncer un recul du gouvernement permettant une "signature offensive"?
Lisons donc ce texte de "convergence", arraché de "haute lutte", nous dit-on.
"Rechercher de nouveaux espaces d'autonomie aux établissements". "Aujourd'hui, les marges d'autonomie des établissements sont trop réduites". C'est le leitmotiv du rapport Pochard. Des établissements plus autonomes, cela veut dire des horaires variables d'un établissement à un autre et des programmes de même. Mais, nous dira-t-on, le texte prévoit "les horaires d'enseignement définis nationalement". Celui qui se rassure avec cela se rassure à peu de frais. Il y aura évidemment un minimum commun à tous les établissements. Mais les ressources allouées pour ce minimum commun sont mises sur le même plan que "les ressources liés aux projets pédagogiques des établissements". Et pour ceux qui n'auraient pas compris, l'autonomie vise "à renforcer la capacité des équipes d'enseignants à renouveler l'organisation des enseignements".Il s'agit bel et bien d'une pulvérisation du caractère national des programmes et horaires. Et la logique de l'autonomie, c'est l'autonomie de… recrutement des enseignants par la hiérarchie. C'est ce que Sarkozy a en substance annoncé deux jours plus tôt.
"Rendre possible une plus grande personnalisation des parcours scolaires"… "On explorera, pour en tirer parti les perspectives ouvertes par une modularité de l'enseignement".
A chacun donc son "parcours individuel" et au-delà du "socle commun" façon lycée, chaque élève choisira ses "modules". Il n'y aura donc plus un baccalauréat dans une filière donnée mais autant de bacs… que de lauréats.
Première conséquence: le recrutement dans l'enseignement supérieur sera inévitablement dépendant du profil particulier du "bac" du lauréat. Seconde conséquence: les modules étant au libre choix du candidat, des matières entières vont être sinistrées. Ainsi le "bac modulaire" doit permettre de supprimer des milliers de postes. Enfin le bac modulaire fait disparaître l'unité "classe". C'est si vrai que parmi les propositions faites par le CNVL (conseil de la vie lycéenne) citées sans commentaire par l'US, il y a la proposition que l'enseignement de la philosophie soit dispensé à plusieurs classes… en amphithéâtre!
Faire en sorte que "le redoublement soit l'ultime recours". A croire que jusqu'alors les enseignants faisaient redoubler les élèves par plaisir! Mais derrière cela, il y a la volonté de faire en sorte que les élèves restent le moins longtemps possible dans le système scolaire. Là encore, une "réforme" qui supprime des milliers de postes!
"Le service des enseignants devra mieux intégrer, en les articulant, la diversité des situations éducatives: cours, soutien et remise à niveau, projets interdisciplinaires, aide personnalisée, contribution au suivi et à l'orientation."
C'est le service à rallonge indéfinie; le travail "au forfait" que la loi sur le temps de travail veut généraliser à tous les salariés. Il n'y a plus de définition du temps de travail. Le décret de 50 passe aux oubliettes. Par ailleurs, le gouvernement a un passeport pour continuer à liquider la catégorie des CO-psy. A la liquidation de la définition du temps de travail il faut rajouter l'individualisation des salaires, le salaire au mérite, appelé "reconnaissance en fonction des missions exercées".
Combattre partout pour imposer à la direction du SNES de retirer sa signature.
Soyons clair: le texte signé par la direction du SNES n'est rien d'autre qu'un concentré du rapport Pochard.
Si le gouvernement a tant courtisé la direction du SNES, si Sarkozy a reçu la veille Aschiéri, c'est que rien n'est possible sans la coopération de la direction du SNES.
De la même manière, il fallait que la direction de la CGT signe l'accord sur la "représentativité", qui est d'abord l'aval donné à l'"accord d'entreprise dérogatoire", c'est-à-dire la pulvérisation de la législation du travail, pour que le gouvernement puisse présenter le projet de loi qui liquide toute définition légale du temps de travail.
De la même manière, il fallait que les directions des fédérations de fonctionnaires signent l' "accord dialogue social dans la Fonction Publique" pour que le plan de liquidation du statut des fonctionnaires soit mis en œuvre.
Partout, le dialogue social, qui prend maintenant la forme de la signature des dirigeants attestant de "positions communes" et de "convergences" avec le MEDEF et le gouvernement, est l'instrument indispensable à ces derniers pour liquider toutes les conquêtes ouvrières.
Nous invitons la masse des enseignants qui n'ont ni "convergence" ni "position commune" avec le MEDEF et le gouvernement à prendre des initiatives partout pour imposer aux dirigeants du SNES le retrait de leur signature.
Dernière minute: en 24 heures, 32 enseignants du lycée Virlogeux de Riom exigent le retrait de la signature du SNES
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ADRESSE DES ENSEIGNANTS DU LYCEE VIRLOGEUX A LA DIRECTION DU SNES
Alors que les objectifs de la "réforme" des lycées sont parfaitement connus: suppression massive d'heures de cours, afin de permettre de poursuivre la fermeture des postes; alors que le gouvernement annonce la fin du CAPES et de l'agrégation pour 2010, vous signez avec le gouvernement un texte intitulé: "points de convergence sur les objectifs et les principes directeurs de la réforme du lycée" préalable à la concertation elle-même.
Nous soussignés rejetons la "réforme" du lycée, et ses objectifs, exigeons le maintien du CAPES et de l'agrégation. Nous estimons que la signature d'un texte de "convergence" avec le gouvernement est le meilleur moyen de l'aider à faire passer sa réforme.
C'est pourquoi, nous nous adressons à vous afin que vous repreniez les revendications des enseignants:
-non à la "réforme" du lycée,
-défense du CAPES et de l'agrégation,
en conséquence: Retirez la signature du SNES du texte de "convergence"
Signé par 32 enseignants au soir du 6 juin
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